Au sein du secteur des biens de consommation, le luxe se montre très dynamique tant par la quantité que par la qualité des opérations de fusions-acquisitions. Les fonds d’investissement comme les acteurs stratégiques sont en quête d’opportunités de croissance et de synergies, tout en aspirant à maîtriser de plus en plus la chaîne de valeur.
Notre étude inédite consacrée aux acteurs du luxe analyse les trois tendances de fonds qui viennent nourrir ce mouvement : la mondialisation, l’intégration et la consolidation comme stratégie de croissance.
La mondialisation du luxe stimule les opérations de M&A
La croissance des marques de luxe nées en Europe ou aux Etats-Unis est alimentée par l’expansion de leurs activités dans des zones géographiques à plus forte croissance, particulièrement en Asie et au Moyen-Orient. Pour financer ces stratégies, elles recherchent des actionnaires connaissant bien les marchés cibles, qui pourront les aider à prospérer. Dans le même temps, les acheteurs et fonds d’investissements implantés dans les marchés émergents sont friands de marques européennes et américaines dont la demande est déjà forte, ou sont aussi désireux de contribuer à la croissance de marques de luxe encore sous-exposées.
Ces deux dernières années, les fonds d’investissements se sont révélés particulièrement gourmands de grandes marques. Parmi les exemples les plus récents, le fonds américain Blackstone vient d’acquérir 20 % de Gianni Versace, réalisant ainsi son premier investissement significatif dans l’industrie du luxe. Grâce aux 150 millions d’euros injectés par Blackstone dans le capital de la griffe milanaise, cette dernière dispose des moyens nécessaires à son expansion internationale : le groupe recherchait justement un partenaire maîtrisant les spécificités des marchés asiatiques, en particulier pour accélérer son développement en Chine.
Marcolin, fabricant italien de lunettes, détenu par PAI depuis fin 2012 a acquis Viva International fin 2013. Cette transaction permet au spécialiste des montures de luxe de renforcer son réseau de distribution aux Etats-Unis mais aussi de consolider sa diffusion dans les pays émergents avec le renforcement de son offre grand public (grâce à l’enrichissement de son portefeuille de licences).
L’intégration, pour maîtriser toute la chaîne de valeur
La maîtrise de l’intégralité de la chaîne, de la conception à la distribution, est un des piliers de la stratégie des acteurs du luxe désireux de maîtriser les ressources, protéger l’ADN de leurs marques et garantir les marges. L’intégration verticale est ainsi la deuxième grande tendance d’investissement.
L’expansion de la demande de luxe entraîne une raréfaction de certaines matières premières indispensables à la conception des produits de très grande qualité, comme les peaux, ou des savoir-faire artisanaux. La question de l’accès aux ressources devient donc cruciale. Ainsi, l’an dernier, Kering a acquis une participation majoritaire dans France Croco, l’une des principales tanneries indépendantes spécialisée dans l’approvisionnement et le tannage des peaux de crocodile. Tous les grands acteurs tels qu’Hermès, LVMH ou Chanel ont intégré verticalement leurs branches maroquinerie ou horlogerie.
L’autre bout de la chaîne de valeur n’est pas en reste, car l’intégration en aval est tout aussi stratégique, l’enjeu étant de maîtriser la distribution, et donc le service et l’expérience client. Le maroquinier américain Coach a racheté tous ses distributeurs à Hong-Kong, Macao, en Chine, à Singapour, Taïwan, Malaisie et en Corée. Plus récemment, en janvier 2013, Ferragamo a décidé d’accroître à 75 % sa participation dans la société de distribution en Chine codétenue avec Peter Woo.
Autre canal de distribution, Internet, longtemps mis de côté car jugé peu compatible avec l’univers du luxe. Les mentalités ont changé, les grandes marques veulent désormais avoir un site offrant une expérience de consommation exceptionnelle, venant compléter les points de vente physiques. A l’été 2013, la joint-venture créée entre Kering et le spécialiste de la vente haut de gamme sur Internet YOOX a donné lieu au lancement des boutiques en lignes de six marques. Si ce partenariat se justifie par l’expertise technologique et fonctionnelle de YOOX, chaque marque conserve cependant le contrôle exclusif de sa boutique en ligne, allant de la maîtrise de l’assortiment produits au contenu éditorial, en passant par la direction artistique et la communication digitale.
La consolidation comme stratégie de croissance
Acquérir, pour rayonner davantage : ainsi peut se résumer le troisième axe caractéristique des fusions-acquisitions dans le secteur du luxe. Les stratégies offensives se multiplient, car si le luxe se porte bien et démontre sa résistance à la crise, la lutte entre les acteurs n’en est pas moins féroce.
En janvier 2013, Swatch rachetait pour un milliard de dollars le diamantaire Harry Winston, s’offrant ainsi une coûteuse mais prestigieuse diversification. Six mois plus tard, Kering finalisait le rachat de l’italien Pomellato, renforçant ainsi son poids sur le marché de la joaillerie – le groupe détenait déjà Boucheron et Queelin. Fin 2013, LVMH achetait 80 % de Loro Piana, reconnue pour son excellence dans les vêtements et accessoires en poil de vigogne et en cachemire.
Dans les mois à venir, il ne fait aucun doute que ces trois grandes tendances vont se poursuivre, alimentées par la croissance de la demande émanant des pays émergents. Au milieu du bruissement des vêtements de créateurs et du tic-tac des montres de luxe, le concert stratégique des fusions-acquisitions va continuer de se faire entendre.
Si les enjeux des M&A vous intéressent, n’hésitez pas à me contacter pour en discuter.